Communiqué
Les professionnel·les de la culture se mobilisent à l’approche d’un bien triste anniversaire.
Le 29 février 2020, à l’issue d’un Conseil des ministres exceptionnel, le ministre de la Santé annonçait plusieurs mesures pour éradiquer l’épidémie de Covid-19, dont l’annulation des rassemblements de plus de 5 000 personnes dans les lieux fermés, très rapidement suivie par la fermeture des cinémas et des lieux de spectacle dans les premiers départements concernés. Premier secteur confiné, la culture est aujourd’hui l’un des derniers à le rester. A l’approche d’un 29 février 2021, date qui n’existera pas au calendrier, les acteurs culturels tiennent à rappeler à tous ce triste anniversaire, avant que leurs métiers n’existent plus.
Depuis un an, la culture est soumise à un stop & go répétitif et imprévisible : musées, théâtres, cinémas, salles de spectacles ou lieux d’expositions ont dû fermer, puis rouvrir, et fermer à nouveau. Elle n’a jamais pu bénéficier de visibilité sur son calendrier de reprise, alors que de nombreux centres commerciaux et commerces non essentiels ont pu rouvrir dès le 28 novembre. Cette discrimination semble d’autant plus injustifiée que le Président de la République lui-même avait salué, en novembre dernier, le rôle majeur de la culture pour accompagner les Français dans cette période éprouvante : « la culture est essentielle à notre vie de citoyennes et de citoyens libres ».
Un an de confinement pour la culture, cela signifie concrètement que de très nombreux artistes, auteurs·trices et créateurs·trices ne peuvent plus pratiquer leur métier, ni vivre de leur art. L’interdépendance de leurs activités entraîne un effet domino préjudiciable pour l’ensemble des secteurs créatifs.
L’impact économique de la crise sanitaire sera durable pour la culture avec des chutes de revenus massives observées au niveau européen : – 76% pour la musique, – 90% pour le spectacle vivant (source : étude EY, Rebuilding Europe : the cultural and creative economy before and after Covid-19) ; 56% des artistes des arts visuels ont perdu plus de 50% de leur revenus (source : enquête ADAGP sur les effets de la crise et les mesures d’aide pour les artistes des arts visuels) et on observe une baisse de 70% de fréquentation des salles de cinéma françaises (source CNC : Fréquentation cinématographique, année 2020).
En France, 1,3 million d’emplois portés par les industries culturelles et créatives sont directement menacés et l’impact de la crise sanitaire a fait chuter son chiffre d’affaire de 91 Mds€ à 62 Mds€ soit une perte de 32% (source : EY pour France Creative, Janvier 2021).
Comme le redoutent de nombreux·ses professionnel·les de la culture depuis plusieurs mois, la France risque tout simplement de créer une « génération sacrifiée » d’artistes et d’acteurs culturels. Nombre d’entre eux vont devoir renoncer à leur métier, faute de pouvoir en vivre ; et de très nombreux talents en devenir ne pourront jamais éclore. C’est une véritable urgence nationale, qui met en cause l’avenir de notre modèle culturel.
Le confinement de la culture n’est en rien une fatalité, mais au contraire un choix politique qui doit être débattu. Pourquoi la France ne s’inspire pas de l’exemple de certains de ses voisins européens, qui ont déconfiné avec succès leurs lieux culturels alors qu’ils se trouvent dans un contexte sanitaire équivalent au nôtre, voire plus grave ? C’est le cas par exemple de l’Espagne, dont les spectacles et les cinémas ont repris depuis l’été dernier, avec un protocole sanitaire strict ; ou de l’Italie, qui a rouvert le 18 janvier ses institutions culturelles dans les six régions les moins exposées au Covid-19.
Pays d’Europe le plus endeuillé, l’Angleterre a annoncé récemment sa stratégie de déconfinement de la culture avec une réouverture des salles de spectacles et de cinéma dès le 17 mai prochain suivie de la réouverture des salles de concerts le 21 juin. Outre Atlantique, les cinémas vont rouvrir dès le 5 mars à New-York.
Nous saluons les « expérimentations » dans certains secteurs du spectacle vivant récemment annoncées par les professionnel·les visant à sécuriser un modèle permettant la réouverture de ces lieux de spectacle, qui n’ont jamais pu rouvrir en 2020, dans le contexte d’épidémie de Covid-19.
Nous appelons l’Etat à déconfiner la culture, dans des conditions compatibles avec le fonctionnement et le modèle économique de chacun. Concrètement, cela suppose un changement de méthode :
- Poursuivre les négociations menées pour la réouverture progressive des établissements culturels et donner une véritable visibilité aux professionnel·les sur leur calendrier de reprise et, étape par étape, afin qu’iels puissent les anticiper et s’y préparer au mieux. Un festival, une exposition ou la sortie d’un film, cela peut être des mois de préparation !
- Accélérer la mise en œuvre des aides prévues par le plan de relance, et développer des mesures complémentaires pour accompagner les artistes, les auteurs·trices et créateurs·trices, et l’ensemble des professionnel·les de nos secteurs et répondre à certains besoins auxquels il n’a pas encore été répondu : par exemple la mise en place de financements pérennes pour certains équipements des salles dans le respect des contraintes sanitaires
Nous, acteurs de la Culture, prendrons toute notre part à l’indispensable renforcement du dialogue avec l’Etat pour préparer cette reprise.
Il est temps de déconfiner la culture : ensemble, relevons ce défi !
Signataires
- L’Adagp (Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques),
- Le Camulc (Syndicat national des cabarets, music-halls et lieux de création),
- La Cipac (Fédération des professionnels de l’art contemporain),
- Diagonal (Réseau national des structures de diffusion et de production de photographie),
- La FNCF (Fédération nationale des cinémas français),
- La Fevis (Fédération ensembles vocaux instrumentaux spécialisés), Les Forces musicales,
- La Fraap (Fédération des réseaux et associations d’artistes plasticiens),
- L’ARP (Société civile des auteurs réalisateurs producteurs),
- Le Réseau MAP
- Le Prodiss (Syndicat national des producteurs, diffuseurs, festivals et salles de spectacle musical et de variété),
- Le Profedim (Syndicat professionnel des producteurs, festivals, ensembles, diffuseurs indépendants de musique),
- La Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique),
- La Scam (Société civile des auteurs multimédia),
- Le SMA (Syndicat des musiques actuelles),
- Le SNSP (Syndicat national des scènes publiques),
- Le Socle (Syndicat des organisateurs culturels libres et engagés),
- La SPPF (Société civile des producteurs de phonogrammes en France),
- La SRF (société des réalisateurs de films),
- Le Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles),
- Le SNDTP (Syndicat national du théâtre privé),
- Technopol,
- Théâtres privés,
- L’UPFI (Union des producteurs phonographiques français indépendants).